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Le Café Littéraire

Hervé Vilard

Mon café littéraire
C'est devant le cimetière
Et le libraire du coin
Vaut mieux aller en face
Chercher la dédicace
D'un académicien

Son premier manuscrit
Fut à la bombe écrit
Contre sa devanture.
Au café littéraire
On a déjà les verres
Apportez l'écriture

On s'est pointé à vingt
En habits d'écrivains
On s'est assis en choeur
Un roman ébauché
Visiblement caché
Sous un verre de liqueur

Depuis quand on y cause
On sait que c'est en prose
C'est quand même plus chouette
On commande son litre
Comme on choisit un titre
Dans sa bibliothèque.

Au café littéraire
On s'y prend déjà l'air
D'être au Petit Larousse
On pause en attendant
Le jour où nos vingt ans
Seront cotés en bourse.
On porte des écharpes
On écrit sur les nappes
On brise des pianos
On crie "le bar à boire"
On payera plus tard
En coupures de journaux

Au café littéraire
Y a guère que la taulière
Qu'aime pas la lecture
Mais les lignes des paumes
Elle t'en lirait vingt tomes
Au travers des ratures

Quand le bateau est ivre
Qu'on a bu tous les livres
On repart en carafe
Comme on paye cul-sec
On déduit sur le chèque
Le prix de l'autographe

"Chauffeur à l'horizon"
On s'affale du long
Sur nos chariots à voile
Le vent vient allumer
Le bout d'un cache-nez
Au briquet des étoiles

Au matin pêle-mêle
Froissés dans les poubelles
Des hommes emporteront
Des chefs-d'oeuvres en friche
Sur du papier sandwich
Et des nappes en crépon

Mon café littéraire
Suivez l'itinéraire
C'est sous le dernier porche
Juste après la virgule
Ce troquet qui recule
A mesure qu'on s'approche

Où l'arbre sur le seuil
Sème comme un recueil
Ses feuilles de brouillon
Et où ses branches peignent
En ombre sur l'enseigne
Le chapeau de Villon.






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