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Chanson du retraité

Félix Leclerc

Les fill' envahissent l'été
Les rues se teintent de chair nue
On est cerné par leur santé
Qu'un' veuill' de moi j'y song' mêm' plus
Mais j'ai besoin d' me l' répéter
J' me sens couler j' me sens perdu
C'est quand mêm' con j' devrais lutter

Qu'a donc un sac de peau bien tendu
À m' trotter ainsi dans la tête
Qu'est-c' que c'est qu' le galbe d'un cul
À côté d' la rondeur des planètes?
Vu d' Pluton ça paraît tordu
D' se ronger pour un' courbe imparfaite.

Les fill' déferlent sur la plage
Le sable s'entach' de bronzé
Y a des boudins qui me soulagent
Ell' sont de mon bord avant l'âge
Mais mon oeil maso va muser
Sur cell' du rivage opposé
Et je me répète avec rage

Qu'est-c' que c'est qu'un charmant visage
Un nez droit des yeux bien fendus
Pour faire en moi un tel ravage?
Simple reflet lointain mirage
De vertus auxquell' je crois plus
Il s'rait temps d' reclasser mes images.

Les fill' engorgent les troquets
Les bars s'endeuillent de sourires
Adressés à des paltoquets
Ça les rehauss' y a pas à dire
Sont-ils fins forts fous ou friqués
Si j'étais loi dans mon délire
J'interdirais tous les tickets

Qu'est-c' qu'il y a dans la fleur d'un sourire
Pour tant gémir d'en êt' frustré
Ell' te r'gard' c'est fini d' mourir
Et moi j' la r'gard' te regarder
En m'efforçant de vous haïr...
Et les yeux m' travers' sans s'arrêter






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